L’Éthiopie a officiellement inauguré, mardi 9 septembre, le Grand barrage de la Renaissance (GERD) sur le Nil Bleu, après quatorze années de travaux. Présenté par Addis-Abeba comme un symbole de fierté nationale et de développement, l’ouvrage est désormais la plus grande infrastructure hydroélectrique d’Afrique.
Avec ses 145 mètres de haut, ses 1,8 km de large et une capacité de 74 milliards de m³ d’eau, le barrage est censé transformer le paysage énergétique de l’Éthiopie. Les autorités espèrent générer jusqu’à 1 milliard de dollars de recettes annuelles grâce à l’exportation d’électricité, pour un coût global estimé à 4 milliards de dollars.
Mais derrière la vitrine économique, le projet traîne son lot de critiques. Selon des médias locaux, 15 000 personnes auraient trouvé la mort pendant la construction, parmi lesquelles des ouvriers, ingénieurs, forces de sécurité et habitants déplacés. Le ministre éthiopien de l’Eau et de l’Énergie, Habtamu Itefa, n’a ni confirmé ni infirmé ces chiffres, renvoyant aux « institutions compétentes ».
Des questions persistent sur la résistance de l’ouvrage en cas de crue, ainsi que sur son impact écologique et social dans la région. Surtout, le barrage alimente une vive tension diplomatique avec l’Égypte et le Soudan, pays en aval qui redoutent une réduction de leur approvisionnement en eau.
Le Caire, dépendant à près de 97 % du Nil pour son eau douce, qualifie le projet de « menace existentielle ». Addis-Abeba, de son côté, se veut rassurante : « Ce barrage est destiné à tous. Nous avons partagé les données du Nil avec le Soudan depuis trois ans », a affirmé le ministre Itefa, appelant la communauté internationale à soutenir « un avenir meilleur pour les peuples éthiopien, soudanais et égyptien ».
Malgré des années de négociations tripartites sous l’égide de l’Union africaine et de partenaires internationaux, aucun accord n’a encore été trouvé entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan sur la gestion et le partage des eaux du Nil.
Pour l’analyste Yacob Arano, « seule la voie du dialogue permettra de sortir de l’impasse ». Selon lui, un accord global sur l’usage de l’eau et le développement économique partagé reste indispensable pour éviter que le barrage ne devienne un nouveau foyer de tensions régionales.
Stella S.